INSTANTS
Sur un banc idéal recouvert de mousse verte, assis devant un paysage idéal... Silence. Attente. Les cris du temps passé viennent s'échouer à nos pieds. Tout a été si vite et on reste stupéfaits à l'arrivée. Il y a eu des virages, des drapeaux plantés, des joies ancrées dans la mémoire. Comme ces pierres qui aident à traverser le ruisseau du temps mauvais. Et aussi des chutes, de petites noyades. La révolte s'est perdue dans les nouvelles rides.
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Elle a toujours été là. Dieu seul sait d'où elle vient et je m'interrogerai toujours. Sa mission s'inscrit dans un temps qui ne nous appartient pas. Elle a toujours soutenu le pas qui aurait pu tomber dans le néant. Elle est notre résistance, enveloppée de la peur d'une possible absence. Elle est l'ange gardien. Mystère.
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Tu veux bien être mon papa ? Non je ne peux pas, je suis trop petit. Mais tu as des cheveux blancs ! Oui, mais dedans je suis petit comme toi. Comment tu fais quand on t'attaque ? On ne m'attaque jamais parce que ça se voit que je fais pas de mal. Alors tes enfants sont plus vieux que toi ? Oui. Alors tu triches ? Non. Je n'ai pas trouvé l'échelle des grands. Tu veux bien rester mon ami ?
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Mademoiselle, vous êtes très jolie ! Mon coeur est content. J'aime vous voir courir vers la rivière, vos jolis pieds écrasant la mousse. Tout est léger en vous, votre corps, votre rire, votre plouf dans l'eau fraîche. Je me dis qu'il faut que je remercie cet instant béni où le bonheur est entier. Rien ne pourra me l'enlever. Et le soir avant de m'endormir je penserai à cet instant divin. Merci.
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J'enlève tout ? Oui.
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Le gâteau, largement entamé, est délaissé sur le ciré orange. Sur la terrasse ensoleillée des oiseaux prudents sont intéressés. Le chat aussi. L'enfant, derrière la fenêtre, reste immobile. Le temps s'est arrêté. Le bonheur comme le drame sont suspendus à cette part de gâteau. Et la femme avec son éponge, ramassant les restes, a tourné la page.
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La séparation. Le silence est devenu mur, cloison, prison. Impossible de trouver la porte, la sortie. Faire évader le crrrriii... L'autre est un point lumineux froid et encore tranchant. Comme un laser déchirant les souvenirs. Il faut abandonner cette maison lézardée par le doute et l'incompréhension. Il faut arrêter d'aimer sa souffrance comme le dernier lien avec l'autre.
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INSTANTS II
Le doigt de l'enfant traînant sur une touche du piano a libéré une note. C'est le Ré, prisonnier dans ce grenier délaissé avec toutes ces notes mal en point. Il était temps, l'âge de la retraite consommé, et il faut très vite trouver une oreille pour avoir droit au paradis des notes perdues... Pauline, une jeune handicapée sourde était la seule présente dans cet instant si court de survie. La jeune fille sentait bien un chatouillement à l'oreille et un bien-être nouveau, une musique intérieure qui lui faisait oublier son handicap. Le Ré avait trouvé la porte du paradis...
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Le petit angelot s'ébrouait pour expulser les gouttelettes de cet encombrant nuage. Ses plumes étaient encore roses et ses parents aux plumes blanches avaient l'air bien occupés. Maman je m'ennuie, dis moi que faire ! Tu vois le petit scarabée qui est tombé dans la rivière et bien sauve-le... Le petit ange se mit à rougir, la vie de l'insecte était sa première mission. Le courant était fort et il entraînait l'insecte vers une mort certaine, la noyade ou la nourriture d'un poisson. Et le scarabée vit opportunément une large feuille morte tomber devant lui. Sauvé !
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Je suis une belle larme. Je suis chaude et importante dégoulinant sur une joue rose de la jeune maman. Je suis une larme de bonheur créée par le cri du bébé venant au monde. On me laissa faire ma descente sur la gorge, puis entre les deux seins où je finis par me confondre. Et, suprême joie, le mari est venu contre moi mouiller ses lèvres... D'autres larmes-soeurs ont applaudi mon exploit.
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Par une belle journée, allongée sur l'herbe, elle fixait les nuages. Un, intensément. Comme s'il n'était là que pour elle. Un visage bien dessiné, ne manquaient que les yeux et la bouche. Son coeur se mit à battre très fort. Il était là comme une supplique qui la remplit d'une grande tristesse, la sensation d'une détresse. Heureusement tout s'évanouit et son ami la rejoignant lui fit sécher ses larmes. L'au-delà ne devrait pas nous emmerder comme ça...
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Sa faute le torturait. Il voulait, espérait un pardon mais rien avouer. Impossible. La scène repassait incessamment dans sa tête. C'était comme un barrage aux bonnes choses de tous les jours. Fallait-il trouver un moyen d'expier, de payer sa faute... Que celui qui n'a pas pêché... Sa conscience était en train de brider son devenir. On est si peu de choses qu'on en devient son propre bourreau ? Je passe.
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Chaque brin d'herbe qui s'échappe de ses doigts accentue sa panique, sa chute vers le pire de la vie. Accroché à la moindre aspérité Luc voit son avenir barré, l'idiotie d'avoir essayé de cueillir une belle fleur sur cette maudite pente. Et c'est là qu'on abandonne son devenir, qu'on s'en remet à l'inconnu qui s'appelle l'espoir. Sa glissade s'arrête quand sa main se raccroche à la fleur qu'il arrose de ses larmes et de son désespoir. Allez on le sauve...
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Elle s'appelle Mé-Li, la petite chinoise. Elle rentre chez elle marchant avec une grâce infinie, sa courte jupe remuant de droite à gauche et de gauche à droite. Ses petits pas trottent dans la tête d'Eric. Il en est fou depuis qu'elle est devenue sa voisine à deux pas de chez lui. Chaque soir, dans sa petite chambre, il échafaude une intrusion dans l'intimité de Mé-Li. Grimpant sur le lierre jusqu'à la fenêtre de sa petite chambre bleue, il la surprendrait toute jolie, menue dans sa chemise de nuit courte révélant ses belles jambes. Ils dormiraient ensemble. Eric trouve la vie belle et la solitude injuste. (On a envie de rester avec ces deux-là, de parler de la beauté de la jeune fille, sa longue chevelure odorante, de son mystérieux regard, etc.)
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INSTANTS III
Yvan s'est juré qu'il se vengerait. L'insulte fait très mal. Il ne veut plus rentrer chez lui car il est habillé de douleur et de désespoir. Il refuse toute consolation parce qu'il tient à sa souffrance. Contre lui contre l'autre. Les larmes qui viennent c'est quand il pense à l'injustice qui lui est faite. Il veut être et rester seul. Il se calme. Il descend d'un palier et sans savoir pourquoi il se sent bien. Ce nouvel état c'est l'expérience d'exister. Je suis.
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Julie, les yeux brillants, se mesure à la Julie devant son miroir. Elle se sent riche de sensations jusqu'ici ignorées. Quelque part elle est effrayée par cette joie incontrôlable. La révélation l'étourdit. Elle vient de recevoir la clé d'un paradis incroyable. Elle aime, son corps aime. Les murs, les portes, les interdits, les autres, tout s'est effondré, volatilisé. Elle vole, elle aime.
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Jean s'en fout. De tout. Ses affaires traînent par terre. Légèrement vêtu, il sort sous une pluie battante, inconscient, le regard absent. On n'a pas voulu de ses idées, de son offre. Ce n'est pas le moment de voir Jeanne. Pourtant il se surprend à être là tout con devant sa porte. Elle l'accueille avec un petit sourire ironique. Tu es ma meilleure idée, les autres bof... Elle acqièsce.
INSTANTS IV
Tu ne dis rien. Ton regard me mesure, me défie. Il dit que tu ne reculeras pas. Parce que pour toi la chute c'est le pas en arrière. La punition, demain, tu t'en moques. Il fallait que tu fasses ce que tu as fait. Il y a une souffrance, c'était le prix ! L'amour est ébranlé mais restera le plus fort. Tu peux dire non. Le monde n'est pas parfait.
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Tu as pris son nom ? Oui, c'est Marie-Thérèse. Super, coupe-le en deux. Laisse-les se haïr, c'est une habitude de jeunesse. Au tour de Jean-Jacques. Toujours indécis, il ne sait pas laquelle prendre. L'une le fait souffrir et l'autre dit l'aimer. Et bien sûr c'est la première qu'il veut. C'est le temps qui passe avec ses pourquoi ou plutôt pourquoi ne pas passer le temps à exister grâce à la question. Jean reprochera toujours à Jacques son choix, Marie ou Thérèse.
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L'oiseau cogne contre la fenêtre... Il dit et mes graines ? N'est-ce pas assez l'hiver avare de nourriture, n'est-ce pas assez de se battre avec plus forts ? La jouissance du riche c'est de voir la dépendance du pauvre. L'oiseau prend son envol jusqu'au faît de l'arbre et de là-haut il voit l'agitation stupide de ce petit calculateur. Je t'ai montré la beauté de mon plumage et toi...
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Au milieu du lac glacé, il est arrivé à faire son trou. Sur son tabouret, fil à la main, il attend. Dans sa minable cuisine, sa femme espère, attend le poisson qui fera le repas. L'enfant efface la buée pour mieux voir le piège qu'il a construit. Pendant ce temps, le soleil se promène, le rêve est localisé dans une poêle à frire qui tarde à se colorier. Il y a quelque chose qui ne va pas dans la réalité...
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La main hésite à déposer la dernière pièce du puzzle. Cette pièce correspond à l'oeil du requin qui plonge avec un petit poisson entre les dents. Ce tableau de la mer est une provocation pour l'enfant. Il prend la pièce et va l'enterrer dans le jardin. Il a le sentiment d'avoir fait le justicier en aveuglant le requin. Mais voilà que le puzzle est fragilisé par la pièce manquante, la mer gondole, les poissons tombent sur la rive et le pêcheur voit sa barque chavirer. Le dépit de l'enfant face à ce qui le dépasse.
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Encore un regret à ajouter, à cacher dans cet oreiller maintenant inconfortable. Le coucher rime avec chercher le sommeil. Toutes les nuits faire le tour des rendez-vous manqués. J'aurais dû. Et pourtant ce que je suis est fait aussi de ce que je n'ai pas fait. Le regret rend le devenir inconfortable, le soleil d'avant fait-il de l'ombre à la vie d'aujourd'hui ? Pour rien au monde je ne renoncerai à la richesse que sont les miens. Alors pourquoi cette insatisfaction qui pollue le temps ?
Par Simon